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Ville et comportements urbains
Une des caractéristiques essentielles de la ville est l'intégration et la cohésion sociale de la collectivité qui la compose. La ville, en tant qu'ensemble structuré avec un centre d'attraction et une histoire propre, est aux antipodes des grandes agglomérations composées d'habitats hétéroclites ajoutés les uns aux autres sans structure. L'extension des agglomérations donne lieu à un zonage de l'espace. Il s'accompagne d'une mobilité individuelle caractérisée par plusieurs niveaux de fonctionnement qui s'étend du local au bassin de vie élargie. On assiste aujourd'hui à un phénomène de désintégration progressive du tissu urbain, et à un étalement diffus des grandes agglomérations auxquelles seuls les réseaux de transports urbains donnent encore un semblant de structure urbaine avec un centre et une périphérie. L'environnement urbain est davantage exigeant et contraignant : les déplacements quotidiens du domicile au travail, sur autoroutes ou en transports collectifs, représentent un stress non négligeable auquel s'ajoutent des conditions physiques stressantes (bruits, pollution et densité). La vie en ville n'a pas seulement des aspects négatifs. Des stimulations intenses, complexes et sans cesse renouvelées représentent un enrichissement. Ainsi, pour certains, la ville procure un niveau idéal de stimulation et représente un cadre optimum pour leurs activités. Elle offre une multitude d'opportunités de toutes sortes, une grande diversité de lieux (parcs, rues piétonnes, centres commerciaux etc.) et de possibilités de contacts presque inépuisables.
La perception de l'environnement urbain La perception et l'évaluation que l'individu peut avoir de la ville est essentiellement fonction de deux paramètres : le temps de résidence et le besoin individuel de stimulation. L'attraction principale du centre-ville est constituée par la proximité des commerçants, en revanche, les gens sont vus comme plus amicaux en périphérie et en banlieue. Les aspects négatifs (circulation, bruit, compétition et hétérogénéité de la population) sont soulignés au centre-ville et différencient celui-ci des quartiers périphériques. La délinquance et la criminalité sont considérés comme un des aspects les plus négatifs de la vie en ville, et bien qu'il n'y ait pas de liaison directe entre le taux de criminalité et le sentiment d'insécurité, la peur d'être victime d'un incident y est particulièrement fréquente. Or les grandes agglomérations se distinguent des petites villes non seulement par une population plus nombreuse et une plus forte densité résidentielle, mais également par une plus grande hétérogénéité de ses habitants. L'adaptation à la vie en ville Les villes sont, d'une manière générale, moins agréables à vivre. Les contraintes que font subir aux habitants les grandes agglomérations (embouteillages, foule, peur de la délinquance) sont une conséquence de la surpopulation. Ces contraintes entraînent un sentiment de compétition et de marginalité. L'individu réagit alors par l'établissement de priorités dans ses interactions et exclut un certain nombre de contacts. Bref il s'isole, et il devient méfiant envers autrui. Plus particulièrement, on peut distinguer trois modes d'adaptation : faire face en choisissant les priorités ; se protéger en dressant autour de soi des barrières psychologiques; créer des règles et des institutions. L'effort d'adaptation particulier que nécessite la vie en ville est illustré par le fait que les individus ayant récemment déménagé en ville planifient davantage leurs actions et leurs déplacements dans ce nouvel environnement. Ceci est davantage le cas s'ils viennent d'une région rurale que s'ils viennent d'une autre grande ville. Ces derniers sont plus détendus, vraisemblablement parce qu'ils ressentent moins le stress que représente la vie en ville, y étant déjà habitués. Il y a en outre un certain nombre d'activités que les individus accomplissent plus rapidement dans les grandes villes que dans les petites villes de province. Quand on mesure la vitesse de déplacement des habitants, on constate que celle-ci augmente avec la taille de l'agglomération. On observe également de fortes différences interculturelles de comportement entre les habitants de différentes grandes villes : les Chinois acceptent des conditions de forte densité, sont réservés sur le plan affectif et ont une vie familiale très réglée, vraisemblablement en raison d'une adaptation à la densité intérieure élevée dans les habitations. A Tokyo il y a un taux très faible de vandalisme et de délinquance parce que cette ville est constituée de petits villages qui facilitent le contrôle social. Porter le regard sur des cultures différentes de la nôtre permet de constater que les possibilités d'adaptation et les comportements compensatoires des citadins sont multiples quand ils ont pour contexte des structures sociales stables. Or les grandes agglomérations de cette fin de XXème siècle se caractérisent par une certaine dégradation sociale, ce qui rend difficile les comportements compensatoires tels qu'ils peuvent être observés dans d'autres cultures. Les comportements spécifiquement urbains L'effort d'adaptation aux conditions de vie fournit par les habitants des grandes agglomérations entraîne un certain nombre de conséquences cognitives et comportementales. Quand on demande aux sujets de parcourir un grand magasin en tâchant de retenir le plus d'éléments possibles, on constate que la densité dégrade la mémoire périphérique, les aspects secondaires sont moins bien retenus. Et l'on observe un comportement d'achat perturbé, notamment plus de difficultés à choisir dans des conditions de forte densité. Cependant, quand on informe au préalable les sujets que la densité risque de produire un état d'excitation altérant les capacités cognitives, ces effets ne se produisent pas. Les performances et les comportements des enfants vivant dans des appartements surpeuplés sont moins bonnes comparées aux performances d'enfants vivant dans un milieu moins dense. Des résultats analogues sont obtenus si l'on compare des classes surchargées ou non. Les citadins se caractérisent par un certain nombre de comportements spécifiques de repli sur soi. La confiance en autrui est moindre en ville, et les individus lient moins facilement connaissance avec des étrangers. Les habitants d'immeubles ou de quartiers à densité élevée ont moins de contacts oculaires, une plus grande distance interpersonnelle, et moins de conversations spontanées. Les piétons marchent non seulement plus vite, mais ils regardent également droit devant eux et négligent ce qui se passe immédiatement autour d'eux. Il est manifeste que les citadins se ménagent une certaine privativité en évitant d'avoir des contacts avec autrui. Ainsi des individus fraîchement arrivés dans une grande ville estiment plus difficile de se faire des amis que dans une petite ville. Cette relative indifférence vis-à-vis des autres a-t-elle une incidence sur le comportement prosocial ? L'absence d'aide mutuelle a été décrite comme une des caractéristiques de la vie dans les grandes agglomérations. L'environnement urbain a comme effet de diminuer un certain nombre de conduites d'aide à autrui telles que renseigner un passant, aider quelqu'un à ramasser ce qu'il a laissé tomber, secourir quelqu'un qui a des difficultés, etc... Le fait de ne pas être sensible à la détresse d'autrui dans les grandes villes est illustré par un fait divers célèbre, le cas Genovèse, une jeune fille assassinée en pleine rue à New York en présence d'un nombre élevé de témoins. Cette non-assistance à personne en danger a été expliquée par la dilution de la responsabilité. La responsabilité individuelle est abandonnée au profit d'un anonymat que protège la présence d'autrui. Pour expliquer la plus grande fréquence des conduites agressives en milieu urbain, il faut tenir compte de la manière dont l'individu appréhende la situation. Globalement, les conditions urbaines fonctionnent comme facteurs de stress, et sont susceptibles d'entraîner les effets suivants : 1- un effet d'activation, d'où la constatation que certains comportements dominants dans une situation donnée sont amplifiés. Les conditions physiques peuvent donc, par un effet de transfert d'excitation, favoriser le comportement d'agression du sujet ; 2- un effet d'interférence avec le comportement de l'individu. L'inadéquation de l'environnement peut empêcher celui-ci d'atteindre certains buts et entraîner un sentiment de perte de contrôle sur l'environnement. La perte de contrôle aussi bien que la tentative de maîtriser la situation s'accompagne fréquemment de manifestations d'agression ; 3- un effet de gêne et d'inconfort extrême que l'individu va tenter d'arrêter en fuyant la situation. Si toutefois cela se révèle impossible, des conduites d'agression instrumentales (c'est-à-dire destinées à mettre fin à la situation désagréable) ou hostiles peuvent apparaître. A cela s'ajoute, dans des environnements complexes, une surcharge de sollicitations auxquelles le sujet ne peut qu'inadéquatement faire face, ce qui augmente le risque de conduites mal adaptées à la situation, et par conséquent aussi le risque de conduites agressives. En définitive, la vie urbaine est caractérisée d'une part par des phénomènes sociaux tels que l'anonymat, un moindre contrôle social, une insécurité plus forte et le sentiment de risque qui l'accompagne, et d'autre part par un certain nombre de conditions de vie particulières, notamment une relative limitation des ressources disponibles qui se répercute sur la vie quotidienne. L'ensemble de ces conditions stressantes entraîne de la part de l'individu des comportements spécifiques d'adaptation. Dans la mesure où les citadins ont des comportements habituels différents de ceux des habitants des petites villes, notamment l'indifférence vis-à-vis d'autrui et le repli sur soi qui ont été principalement mis en évidence à travers les conduites d'aide, ils réagissent en fonction de leur niveau d'exposition habituel aux différentes conditions stressantes, en l'occurrence les conditions environnementales générales propres à la ville. Bon nombre de ces comportements qui sont des comportements typiquement urbains trouvent leurs origine dans les tentatives de contrôle et de maîtrise d'une situation contraignante. De ce point de vue, la vie en ville nécessite un apprentissage pour faire face efficacement et se ménager des zones de contrôle et de protection. POUR EN SAVOIR PLUS
Burgel G.,
Lévy-Leboyer C.,
Moser G., dernière mise à jour : 21/03/2018 |
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