Une jeune souris, de peu d'expérience,
Crut fléchir un vieux chat,
implorant sa clémence,
Et payant de raisons le Raminagrobis.
« Laissez-moi vivre: une souris
De ma taille et de ma
dépense
Est-elle à
charge en ce logis?
Affamerais-je, à votre avis,
L'hôte, l'hôtesse, et
tout leur monde?
D'un grain de blé je me nourris :
Une noix me rend toute ronde.
A présent je suis maigre; attendez quelque temps
Réservez ce repas à Messieurs vos enfants. »
Ainsi parlait au chat la souris attrapée.
L'autre lui dit: « Tu t'es trompée:
Est-ce à moi que l'on tient de semblables discours ?
Tu gagnerais
autant de parler à des sourds.
Chat, et vieux, pardonner! cela n'arrive guères.
Selon ces lois, descends là-bas,
Meurs, et va-t'en, tout de ce pas;
Haranguer les sœurs filandières :
Mes enfants trouveront assez
d'autres repas. »
Il tint parole.
Et pour ma fable
Voici le sens moral qui peut y convenir :
La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir;
La vieillesse est impitoyable.
Jean de La Fontaine, Fable V,
Livre XII.
Le vieux Chat et la jeune Souris
Fable de Jean de la Fontaine
Illustration de Gustave Doré