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L’histoire d’une rébellion contre
le temps qui passe…
Schone, une trotteuse de montre, en a assez de tourner toujours dans le même
sens.
Un jour, elle a l’idée insensée de tourner à l’envers.
Contre toute attente, elle va parvenir à remonter le temps !
Schone la trotteuse de montre
dessin conte pour enfants
Schone était une aiguille de montre, celle qui court le plus vite, au rythme
des secondes, et que l’on appelle la trotteuse.
Elle tournait déjà depuis plusieurs années, dans son cadran, sans faillir, et
dans le respect du rythme du temps.
Mais un jour, elle se considéra ainsi, en train de tourner. Tant et si bien
qu’il finit par lui venir le tournis :
-« Oh la la, ces tours qui recommencent sans cesse, toujours pareils, ça me
donne la nausée… ! »
Un peu plus tard :
-« Mais ça ne s’arrêtera donc jamais ! J’en ai assez de faire toujours la même
chose… »
Ses amies, la petite et la grande aiguille de la montre, s’étonnèrent de ses
états d’âme :
-« Allons Schone » dit la petite, « ressaisis-toi, tu es une trotteuse, c’est
comme ça, tu dois toujours tourner dans le même sens, seconde après seconde…
Alors travaille et cesse tes jérémiades inutiles ! »
La grande aiguille ajouta :
-« Tu sais, nous aussi, nous sommes contraintes, comme toi, de tourner dans le
cadran, certes moins vite que toi, mais c’est dans l’ordre des choses… »
Ce à quoi, Schone répondit :
-« Et bien, cela vous plaît, mais pas à moi ! Moi, j’ai envie de m’arrêter… »
-« Ne dis donc pas de sottises ! Tu ne peux pas, voyons ! » répondit la petite
aiguille, un brin railleuse, « le temps, c’est inéluctable, ça ne s’arrête
pas… »
-« Et bien, vous allez voir ! » dit Schone.
A ce moment-là, la montre fut saisie pour être mise au poignet de son
propriétaire, Edgard, un grand jeune homme brun, à la tenue impeccable.
Aussitôt, les aiguilles cessèrent leurs papoteries : Edgard était encore en
retard ce matin, elles s’appliquèrent à lui donner l’heure exacte, 8h30,
histoire qu’il ait une chance de rattraper le temps passé.
Schone décida alors de passer à l’action. Brutalement, elle cessa de tourner. Le
mécanisme se bloqua, et tout s’arrêta.
Tout, c’était bien sûr la montre et ses aiguilles, figées dans une immobilité
totale, mais aussi Edgard, qui fut stoppé net, en plein élan de récupération de
sa valisette de travail.
Plus rien ne bougeait. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le temps était
suspendu !
La petite aiguille, complètement immobilisée, parvint à susurrer :
-« Schone, arrête ça tout de suite ! Remets-toi en route, voyons ! »
La grande aiguille renchérit :
-« J’ai peur ! C’est comme la grande panne, sauf que là, c’est tout qui s’est
détraqué ! »
Schone goûta son effet. C’était trop bon de s’arrêter enfin ! Puis, elle
réfléchit. Et si elle intervenait pour qu’Edgard ne soit plus en retard ?
Ca devait être possible, il suffisait de retourner dix minutes en arrière, et ce
serait bon, il serait à l’heure à son rendez-vous !
Elle entreprit alors de remonter le temps. Le début s’avéra très difficile,
d’autant que ses deux amies, la petite et la grande aiguille ne l’aidaient pas
franchement.
-« Mais tu es devenue complètement folle, ma pauvre Schone ! » gronda la petite
aiguille, « non contente de tout arrêter, tu veux maintenant aller en arrière !
C’est insensé ! »
-« Oh Schone, s’il te plaît » supplia la grande aiguille, « recommence à tourner
comme avant, j’ai si peur… »
-« Écoutez, j’ai une idée » dit la trotteuse, « en remontant le temps, nous
ferons gagner quelques minutes précieuses à Edgard, et comme ça, il ne sera plus
en retard… Je vous en prie, aidez-moi ! »
-« Ton plan paraît plutôt douteux, mais après tout, fais comme tu en as
envie ! » dit alors la petite aiguille.
Et ni elle, ni sa grande amie, ne s’opposèrent désormais au travail de Schone.
Celle-ci, à force de pousser de toutes ses forces à contresens, parvint enfin à
faire bouger le mécanisme à l’envers.
Pour la première fois de sa vie, la trotteuse tourna à l’envers. Les petite et
grande aiguilles, à leur grande surprise, furent bien obligées de suivre le
mouvement.
Elles se prirent au jeu, et à leur tour, aidèrent la trotteuse. Cela permit de
récupérer plus vite du temps.
Quand elles eurent remonté les dix minutes, elles s’arrêtèrent. Toutes trois
avaient le sourire, de celles qui se sont amusées à jouer un bon tour.
Elles comptèrent ensemble : 3, 2, 1, 0 ! Et repartirent à tourner dans le sens
habituel.
Il était maintenant 8h20, et Edgard n’était plus en retard.
-« Waouh ! » s’exclama-t-il, « génial ! Mais je suis en avance ce matin ! J’ai
le temps de me regarder un petit programme à la télé ! »
Et il visionna pendant plus de dix minutes une émission complètement nulle. Si
bien qu’il se retrouva encore plus en retard qu’avant l’intervention des trois
aiguilles de sa montre.
Celles-ci, déconfites, râlèrent dans leur coin. Tout ça pour ça ! C’était plutôt
décevant !
Et puis, après tout, c’était lui qui voyait… Elles, finalement, elles s’étaient
bien amusées, et d’ailleurs, ce n’était pas dit qu’elles ne recommenceraient
pas, un de ces jours !
Créé le 8 octobre 2004 par Valérie Bonenfant
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