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Une
version quelque peu modernisée du conte de Jean de la Fontaine sur le rat des
champs et le rat des villes.
Ratasse, un rat de la campagne, doit se rendre en ville pour aller voter. Dans
cette effervescence polluée, il fait la rencontre de Ratelet, un élégant rat de
la ville…
Ratelet et Ratasse
dessin conte pour enfants
Ratelet et Ratasse étaient deux rats qui vivaient chacun dans des endroits
très différents.
Ratelet habitait un égout de la grande ville qu’il avait aménagé
confortablement. Dès qu’il sortait de chez lui, il rencontrait la foule des
autres rats qui circulaient, en pleine effervescence dans les tuyaux.
Ratasse, lui, logeait à la campagne. Il vivait dans une case très sommaire, en
plein cœur de la nature, isolé de ses congénères. Il cultivait un joli potager,
où poussaient des légumes charnus et appétissants.
De temps en temps, il recevait des visites, qui lui racontaient les nouvelles du
monde.
Un jour, un rat voyageur lui annonça qu’était venu le temps de l’élection du
grand chef des rats. C’était important, paraît-il, d’y participer car, sur les
deux candidats qui se présentaient, l’un était carrément fou avec des idées
radicales de classement des individus en fonction de la couleur de leur pelage.
N’importe quoi !
Il fallait absolument que ce soit l’autre qui soit élu.
Ratasse décida donc d’aller exceptionnellement à la Ville pour donner son vote.
Il fit un petit paquet qu’il mit sur son dos et partit.
En arrivant, il tomba sur Ratelet qui faisait son marché. Celui-ci demandait au
marchand :
-« Donnez-moi un kilo de tomates, les plus belles que vous ayez… »
-« Voilà cher Monsieur, des tomates qui viennent tout droit du potager, belles
et épanouies ! »
Et il fit passer à Ratelet un sac de petites tomates vertes, dures comme du
rocher.
-« Quoi ? » se permit d’intervenir Ratasse, « vous appelez ça des tomates
épanouies… Mais elles ne sont pas mûres ces tomates ! Il leur manque au moins un
mois de soleil… »
Le marchand grommela :
-« Occupez-vous donc de vos affaires et laissez-moi faire mon travail… Et puis,
si elles ne vous plaisent pas mes tomates, vous n’allez qu’à aller voir plus
loin ! »
-« C’est cela, oui, je m’en vais… »
Et Ratasse poursuivit sa route, à la recherche du bureau de vote.
Ratelet rendit le sac de tomates vertes au marchand et rattrapa Ratasse.
-« Merci, Monsieur, vous m’avez bien rendu service en m’évitant d’acheter cette
mauvaise marchandise. Puis-je vous inviter à boire un jus ? »
Ratasse accepta et ce fut ainsi que les deux rats firent connaissance.
Le rat campagnard expliqua l’objet de sa visite au rat de la ville qui lui
proposa de l’accompagner. Le bureau de vote était installé de l’autre côté de la
ville, et pour un nouvel arrivant, ce n’était pas facile de se guider dans tous
ces tuyaux. Ils se mirent alors en chemin.
-« Quel monde ! » s’exclama Ratasse.
-« Oui, c’est tout le temps comme ça, et encore, nous ne sommes pas à l’heure
d’affluence… ! »
-« Et quel bruit ! » dit Ratasse en grimaçant.
-« Oui, les klaxons sont nécessaires pour éviter les télescopages. Presque tout
le monde en a un. Tenez, écoutez le mien : turlututu ! C’est drôle non ? »
-« Pas mal » répondit poliment Ratasse, qui trouvait tous ces sons
insupportables.
-« Et ça sent toujours cette odeur ? »
-« Oui, ça, c’est vrai qu’il faut y être habitué. Les tuyaux sont un peu
pollués. Moi, après toutes ces années, je n’y fais plus attention. »
Enfin, ils arrivèrent au bureau de vote. Là, ils durent faire encore longuement
la queue, avant de pouvoir déposer le précieux bulletin dans l’urne. Ouf, voilà
une bonne chose de faite !
Mais il était tard et Ratasse était épuisé.
Très aimablement, Ratelet lui proposa alors de l’héberger pour la nuit. Son
logement était petit, bruyant et malodorant mais Ratasse accepta la proposition.
Il s’écroula lourdement et ronfla toute la nuit.
Le lendemain, il reprit ses bagages et s’en retourna chez lui. Mais avant de
quitter Ratelet, il lui laissa son adresse, en l’invitant vivement à venir le
voir dès qu’il en aurait envie.
Au printemps suivant, Ratelet décida alors d’aller rendre visite à Ratasse.
Dès la sortie de la ville, il fut saisi par l’air frais et vivifiant.
Le calme régnant le surprit, et même l’effraya. Il se hâta vers la case de
Ratasse. Celui-ci l’accueillit chaleureusement :
-« Bonjour, et bienvenue chez moi ! » lui dit-il, les bras ouverts, dans un
large sourire., « installe-toi, mets-toi à l’aise et rejoins-moi au jardin. »
Ratelet le retrouva, un moment plus tard. Ratasse était en train de récolter ses
premières pommes de terre, et ses pois nouveaux.
-« Quels beaux légumes ! » s’exclama Ratelet.
-« Et tu ne les as pas encore goûté ! »
Ratelet passa ainsi un séjour merveilleux : les réveils aux chants des oiseaux,
les repas savoureux avec les mets faits sur place, et surtout le calme, source
de paix et de sérénité.
Jamais Ratelet ne s’était senti aussi bien.
Ratasse lui fit découvrir les environs, et là encore, ce fut un émerveillement.
Les prés couverts de fleurs multicolores, les bourgeons tout neufs sur les
arbres, les bonnes odeurs d’herbe fraîche… Tout cela eut l’effet pour Ratelet
d’une révélation.
Aussi, son retour à la ville fut morose : les tuyaux lui apparurent gris et
sinistres, l’air irrespirable, et la nourriture du coin immonde…
Tout cela lui était devenu désormais insupportable.
Il décida alors de tout quitter, de fuir ces quartiers surpeuplés et pollués et
de s’installer à la campagne.
Il prépara son baluchon, réduit à l’essentiel, et partit courageusement à
l’aventure.
Bientôt, il trouva l’endroit de ses rêves : un îlot de verdure sur le versant
ensoleillé d’une colline, offrant un magnifique panorama sur la forêt en
dessous.
Bien sûr, ce ne fut pas facile au début. Il dut apprendre à se suffire à
lui-même, à se protéger du froid et du chaud… Mais avec l’aide des autres
animaux et de Ratasse, Ratelet acquit rapidement l’essentiel.
Il vécut ainsi, heureux, dans une parfaite plénitude.
Parfois, il repensait à sa vie d’avant, mais jamais aucun regret ne lui vint. La
page était tournée.
Et la vraie vie, sans nul doute, était ici !
Créé en janvier 2004 par Valérie Bonenfant
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