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L’histoire d’un drôle d’oiseau,
mi-noir, mi-blanc…
Pelmelle est un volatile différent : ni tout à fait une corneille, ni tout à
fait une mouette.
Un jour, on va lui demander de choisir son camp. Une décision difficile à
prendre pour le pauvre oiseau…
Mais doit-il vraiment choisir ?
Il était une fois un drôle d’oiseau du nom de Pelmelle.
Celui-ci avait la particularité d’avoir deux états : l’un, tout noir comme le
charbon, avec un bec orangé, façon corneille, qui laissait égrener un chant
rocailleux et sinistre. Il apparaissait quand dehors, il faisait sombre, que le
ciel était chargé, plein de nuages gris et noirs, couleur tempête.
L’autre, celui de mouette, était blanc comme la neige, avec un cri qui
ressemblait à de grands éclats de rires. Il venait quand le soleil brillait haut
dans le ciel, et que l’atmosphère était bleu limpide. Pelmelle volait alors avec
légèreté dans les airs. Rien à voir avec son vol pesant et menaçant de
corneille.
Comment un même être pouvait-il à la fois être cette corneille sinistre et cette
mouette charmante ? C’était un mystère ! De ces deux états, l’oiseau retirait
deux sortes d’amis qui, d’une manière générale, n’aimaient pas son autre côté.
Il y avait ainsi le corbeau, la pie, et le grand duc qui le préféraient
largement en corneille. Ils lui disaient :
-« Pelmelle, quelle belle corneille, tu fais ! Quelle présence, quelle majesté !
Rien à voir avec cette mouette sans consistance qui rit bêtement dans le ciel… »
De l’autre côté, la colombe, le goéland et l’albatros lui susurraient :
-« Pelmelle, vraiment, tu es génial en mouette ! Quelle joie de vivre tu
exprimes ! Ce n’est pas comme ces oiseaux de mauvais augure aux plumes sombres
comme leurs mines… »
Pelmelle jonglait du mieux qu’il pouvait entre ces deux états, sans vraiment
parvenir à choisir celui qui lui convenait le mieux. Et pourtant, un jour, le
roi des oiseaux lui dit :
-« Pelmelle, il va falloir que tu choisisses : corneille ou mouette. Un oiseau
ne peut pas avoir deux plumages différents. Alors blanc ou noir, choisis celui
que tu préfères et garde-le… »
Pelmelle était bien ennuyé. Parfois, il penchait plutôt pour la corneille,
encouragé par ses amis noirs :
-« Vas-y Pelmelle, n’hésite plus ! Tu es beaucoup plus chic en corneille !
Écoute la belle voix profonde qui va avec ! C’est quand même autre chose que ces
piaillements ridicules de mouette… »
Mais, le poids du sombre le ramenait vers l’envie de clair.
Alors, ses collègues blancs le soutenaient en lui chantant :
-« Pelmelle, la vie est belle ! Viens rire et t’amuser avec nous ! Regarde comme
le ciel est beau, comme l’air est frais et vivifiant… »
Pelmelle se laissait alors aller dans un vol aérien et serein.
Mais voilà que se repointait son côté corneille, qui commençait à lui colorer le
bout des ailes en noir.
Pelmelle n’arrivait pas à trancher et crut qu’il allait devenir fou. Pourquoi la
vie ne l’avait-elle pas fait ou corneille ou mouette, comme les autres oiseaux ?
Pourquoi fallait-il qu’il ait ses deux côtés ?
Un ange qui passait par là, le surprit, aux prises avec une profonde détresse :
-« Allons donc, que t’arrive-t-il, bel oiseau noir et blanc ? » lui
demanda-t-il.
-« C’est que justement, je suis noir et blanc. Je ne suis pas une vraie
corneille, ni une vraie mouette. Je suis les deux, tour à tour, et c’est mon
problème… » expliqua Pelmelle.
-« Un problème ? Moi, je dirais plutôt que c’est une chance, rends-toi compte,
tu es deux fois plus riche d’expériences ! C’est autrement plus appréciable,
non ? » se réjouit l’ange.
-« Mais le roi des oiseaux m’a dit qu’il fallait que je tranche, noir ou blanc,
et je n’y arrive pas… » gémit Pelmelle.
-« Quelle drôle d’idée ! Et pourquoi faudrait-il que tu tranches ? Tu es comme
ça, une corneille-mouette, à la fois noire et blanche… Accepte-le et tu verras, tu
t’en porteras mieux ! C’est tout simple finalement et tellement plus original
que ces oiseaux si banals ! » proposa l’ange, gentiment.
S’accepter à la fois corneille et mouette… Mais bien sûr, l’ange avait raison !
C’était sa vérité : admettre ses deux états qui lui appartenaient en propre.
Et tant pis pour ceux que cela gênait ! Pelmelle était un oiseau étrange,
anormal, mais qu’à cela ne tienne. Cela ne l’empêchait pas de vivre, et d’avoir
deux fois plus d’amis : des noirs, des blancs…
Et s’il décidait de profiter de son double état pour tenter de rapprocher ces
oiseaux qui se croyaient si différents, à cause de leur couleur.
Pelmelle la corneille-mouette, connut ainsi une vie très riche, où il
s’inscrivit en oiseau de liaison, entre deux mondes de volatiles qui
s’opposaient jusque-là.
Créé le 6 mars 2005 par Valérie Bonenfant
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