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Quand la mode amène à tuer des animaux pour leur fourrure…
Sous la mer, le phénomène « tendance », c’est de porter des vêtements à écailles
de poils luxueux.
Qu’on tue des milliers de poissons pour cela, ça ne dérange pas… !
Mais heureusement, une prise de conscience va germer dans les esprits et
contribuer à sauver les derniers spécimens d’une espèce en voie de disparition…
Les manteaux d'écailles
dessin conte pour enfants
Il était une fois une
mode qui toucha le monde de la mer de plein fouet.
Le top du chic, c’était de porter des écailles duveteuses que l’on trouvait
uniquement chez les poissons argonautes. Ceux-ci étaient une espèce assez rare
qui vivait dans des mers froides proches des latitudes polaires.
Leur particularité, c’était justement leurs écailles, d’un marron quelconque,
recouvertes de petits poils, qui leur donnaient un aspect lustré du plus bel
effet.
Les poissons argonautes, victimes de cette mode subite, furent pourchassés sans
pitié, pour leurs écailles tant convoitées.
Toute une industrie de la mer se mit en place pour exploiter ce filon juteux.
Avec les écailles de poissons argonautes, on fabriquait tout : des écharpes, des
protègent-nageoires, des gants de queue, et même, luxe suprême, des manteaux
entiers, accessibles aux seuls poissons très riches et très importants. Ceux-ci
pavanaient dans les eaux tempérées des mers du sud.
-« Ce manteau en écailles d’argonaute vous sied à merveille, très chère. Sa
couleur marron clair est très originale… »
-« C’est une pièce unique en effet. Il m’a coûté une petite fortune ! Avec mon
teint clair, il était hors de question que je porte autre chose que du beige…
Aussi, j’ai recruté des chasseurs d’argonautes qui avaient pour mission de ne
prendre que des écailles de couleur claire. Vous ne pouvez imaginer le travail
que ça leur a demandé : parfois, sur tout un poisson, ils ne récoltaient qu’une
seule écaille beige! Vous imaginez le massacre ! J’aurais préféré qu’ils en
tuent moins, mais enfin, c’était le prix à payer… »
Les pauvres poissons argonautes disparaissaient à vue d’œil. Avec une telle
frénésie de chasse, seuls quelques rares spécimens survivaient, à l’abri dans
des labyrinthes d’icebergs.
-« C’est un scandale, cette tuerie ! » commença alors à crier un thon, peu
préoccupé par la mode.
-« Comme s’il n’y en avait pas assez des pêcheurs et des prédateurs naturels !
Il faut maintenant se défendre contre nos congénères ! » râla une sardine.
-« Ces manteaux d’écailles d’argonautes sont une honte pour ceux qui les portent
: ils ont sur le dos les vies détruites de poissons paisibles, aujourd’hui en
voie d’extinction ! » renchérit un saumon, dégoûté.
Mais, les porteurs de manteaux bouchaient leurs ouïes à tous ces bavardages qui
commençaient à circuler.
-« Des critiques de poissons médiocres, jaloux de ne pas pouvoir accéder à ces
merveilles… ! » dit l’un, méprisant.
-« Ils n’y comprennent rien à la mode, pffftt ! Il n’y a qu’à voir leur look
sans finesse ! Ce sont des rustres, sortis de leurs eaux profondes… » ironisa un
autre.
-« Comme si la vie des argonautes avait de l’importance, face à la mode ! Quelle
ânerie de s’en faire pour ça ! » s’esclaffa un troisième.
Mais bientôt, les défenseurs des argonautes se firent plus véhéments.
Dans un premier temps, ils s’organisèrent pour que les derniers survivants
soient protégés des assauts toujours soutenus, des chasseurs sans scrupules. Les
entrées des labyrinthes de glace étaient gardées en permanence par des poissons
aux dents acérées et à l’air mauvais, qui décourageaient toute tentative
d’intrusion.
Puis, ils s’occupèrent de leur apporter nourriture et bien-être pour qu’ils se
développent en toute sérénité, après ces périodes de grandes peurs liées aux
chasses intensives.
Enfin, ils s’évertuèrent à faire en sorte que cette mode stupide prenne fin. Ils
communiquèrent d’abord sur les conditions affreuses d’extermination des poissons
argonautes, aujourd’hui en voie d’extinction. Et cela pour quelle utilité au
final ? Des accessoires tenant trop chauds, sans raison d’être dans ces eaux aux
températures clémentes.
Cette mode était une indécence, une aberration, une hérésie !
Bientôt, il ne devint plus chic du tout de porter ces manteaux d’écailles
duveteuses.
Plus personne n’osait s’afficher avec de tels accessoires à polémique.
Une nouvelle mode fut alors lancée, grâce à un thon, rescapé d’une pêche à la
traîne effectuée par un bateau débarqué le matin aux aurores, alors qu’il venait
juste de se réveiller.
Le thon, furieux de se retrouver ainsi pris dans les filets, à la sortie de sa
nuit, se débattit de toutes ses forces, et finit par arracher quelques mailles,
par lesquelles il s’enfuit. Ouf !
Dans sa fuite précipitée, un bout de filet arraché lui resta collé aux
nageoires. Cette tenue si inédite, évocatrice d’aventures, suscita alors une
nouvelle mode d’habillage en filet sauvage.
Cette fois, heureusement, pas de victimes chez les poissons…
Mais ce fut une dure période pour les pauvres pêcheurs, qui ne récupéraient du
coup, que des filets percés…
Créé le 28 avril 2007 par Valérie Bonenfant
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