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Du bonheur d’être anonyme…
Gaspard, un petit âne vert se fond dans le paysage.
Un jour, il veut qu’on le remarque, alors il se peint en bleu. Ça marche, il a
un succès fou ! Mais à force, tout ce monde autour de lui, ça devient pesant…
Va-t-il réussir à redevenir comme avant ?
Il était une fois un petit âne vert qui s’appelait Gaspard.
Il vivait dans un champ tout vert.
Souvent, les passants qui se promenaient sur le chemin voisin ne le voyaient
même pas.
Il se fondait dans le paysage. Gaspard voyait passer les gens, indifférents,
absorbés dans leur discussion. Personne pour lui dire :
-« Oh, le joli petit âne vert ! Qu’il a l’air doux ! Qu’il a de beaux yeux
tendres ! »
Personne qui ne s’intéressait à lui, personne qui n’avait envie de le caresser…
Il était vert, dans un paysage vert !
Parfois, pour manifester sa présence, il poussait de grands HI-HAN, des vrais,
comme seul un âne sait les faire.
Les gens s’arrêtaient alors un instant, tournaient la tête, mais, ne voyant
rien, poursuivaient leur route.
Quelle tristesse ! Gaspard avait envie qu’on le remarque.
Alors, un jour, il eut l’idée d’aller se tremper dans l’eau bleue de la mare
voisine. Et il se changea en un petit âne bleu.
Ah là, on le voyait bien ! Imaginez : un petit âne bleu dans un pré tout vert !
On le voyait tant et si bien qu’il devint bientôt l’attraction de tout le
village, puis de toute la région, puis du pays entier.
Au début, il était très content : il recevait plein d’attentions, on
l’entourait, le choyait, les enfants voulaient le toucher, monter sur son dos,
se promener avec lui…
Mais au bout de quelques semaines de ce régime de foule, Gaspard commença à
avoir l’envie d’être tranquille. Il se dit :
-« J’aimerais bien être un peu seul, je vais partir m’isoler au fond du pré,
vers les grands arbres. »
Hélas, ses visiteurs ne l’entendirent pas ainsi. Ils le suivirent, et c’est avec
une nuée de personnes autour de lui qu’il atteignit la forêt.
Cela faisait tellement de bruit que ses amis les oiseaux, qui nichaient dans les
arbres et lui tenaient habituellement compagnie, s’envolèrent vers d’autres
horizons.
Alors, il commença à être un peu moins gentil.
Il manifesta des signes d’impatience d’abord en secouant sa tête, puis, en
tapant des pieds, et enfin, en se cabrant et en donnant des petites ruades.
Ce fut pire ! Ils étaient maintenant tous excités comme des abeilles : ils le
pincèrent, le bousculèrent, lui tirèrent la queue, les oreilles…
Pauvre Gaspard, il n’arrivait plus à s’en dépêtrer !
Que faire ?
Il entendit alors une petite voix au ras du sol.
- « Hé ! Pssst ! Bonjour Gaspard, ça n’a pas l’air d’aller fort, on dirait… »
Gaspard regarda par-terre et ne vit rien. La voix continua :
- « Là , là, je suis là ! Ouh-ouh ! Je m’appelle Prosper. J’habite dans le même
pré que toi, depuis des lustres !
Gaspard regarda mieux, concentra son regard et aperçut alors une petite souris
marron, de la même couleur exactement que la terre.
Il ne l’avait jamais remarquée auparavant !
- « Bonjour. Non, ça ne va pas fort, je n’arrive plus à me débarrasser de tous
ces intrus ! »
- « Je vois, je vois… Viens avec moi, je vais t’emmener au pays des pluies. »
Et tous deux entreprirent un long voyage qui les conduisit au merveilleux pays
des pluies, où des nuages pleuvaient des gouttes changeant de couleurs au fil
des saisons.
Ils attendirent la saison du vert, et Gaspard vint alors s’exposer sous la pluie
verte.
Bientôt, il retrouva la jolie couleur verte qui lui allait si bien.
Il retourna dans son champ avec Prosper.
Quand ils arrivèrent, beaucoup de monde était parti. Seuls quelques
irréductibles curieux attendaient son retour.
Apeuré, Gaspard fut tenté de rebrousser chemin, mais Prosper le retint.
-« Mais non, tu vas voir, ils ne vont même pas t’apercevoir ! »
Et effectivement, ils purent s’approcher, même très près des gens, personne ne
réagit.
Enfin, au bout de quelques semaines, le pré retrouva sa tranquillité d’origine,
ainsi que Gaspard et Prosper.
Celui-ci lui fit alors découvrir un grand nombre d’habitants du pré que Gaspard
n’avait jamais pris le temps de voir : Léo le lézard gris qui se confondait avec
les pierres, Millie l’abeille jaune cachée sur les boutons d’or, Caquette la
coccinelle rouge étendue sur le coquelicot…etc, etc.
Gaspard s’enrichit ainsi de nouveaux amis avec qui il put partager les aventures
de la vraie vie dans le pré. Des amis très proches, bien plus proches que ces
passants frivoles et sans intérêt.
Il se sentit libre et vivant.
Créé le dernier trimestre 2003 par Valérie Bonenfant
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