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Un conte qui donne la parole…aux mains !
En effet, celles-ci en ont assez d’être confinées à des tâches d’exécution,
uniquement.
Elles ont tellement de choses à dire !
Alors, quand la pièce « Roméo et Juliette » se joue au théâtre, elles se
dégagent du reste du corps et vont interpréter les scènes à leur manière…
Le langage des mains
dessin conte pour enfants
Il était une fois des
mains qui voulaient parler. C’était vrai, quoi ! On se servait d’elles pour
exécuter plein de tâches, mais on ne les laissait jamais s’exprimer. Et
pourtant, elles avaient tant de choses à dire…
Mais, pas facile de parler pour des mains : elles n’avaient pas de bouche, pas
de langue et pas de voix… Celle-ci, on ne sait pour quelle raison, était allée
se nicher dans la gorge, comme s’il n’y avait pas de meilleur endroit pour
l’héberger !
Alors, les mains décidèrent de se débrouiller seules. Certes, les organes
adaptés leur manquaient, mais qu’à cela ne tienne, elles feraient sans.
D’ailleurs, elles avaient un bel exemple. Les Italiens, ne parlaient-ils pas
avec leurs mains ? Quelqu’un avait même dit que, sans les mains, ils
n’arrivaient plus à communiquer…
En effet, dans les discours passionnés qu’ils tenaient, les mains participaient
vivement : venant à l’appui des paroles, elles ponctuaient les injonctions, et
transmettaient les émotions. Presque mieux que les mimiques. Grâce aux mains des
Italiens, même un sourd pouvait comprendre la conversation.
Fortes de cet exemple, les mains s’entraînèrent à communiquer. Pour se parler,
elles gesticulaient, d’abord de manière désordonnée. Puis, au fil du temps, avec
des gestes bien précis. Chaque bougé des mains traduisait un sentiment, une
émotion.
Un jour, un spectacle eut lieu avec des acteurs confirmés. Ceux-ci jouaient
leurs rôles, comme d’habitude. Ils disaient :
-« Oh ma Juliette, que tu es belle…Tu es aussi douce que la rosée du matin… »
Le texte était récité avec cœur. Mais les mains avaient elles aussi, des choses
à dire. L’une frotta la joue, en imitant le rasage, tandis que l’autre mima le
jeu de violon. Ce à quoi Juliette répondit :
-« Mais toi aussi, je te trouve beau, mon Roméo. Tu es le prince de mes rêves… !
»
Là, les mains de Juliette s’animèrent. Ah, les mains de Roméo disaient que
c’était barbant et exagéré. Bien, à leur tour de dire ce qu’elles avaient sur le
cœur. L’une décrivit un avion en chute libre, et l’autre fit mine d’envoyer un
signe d’au revoir.
La scène continua :
-« Ma Juliette, je voudrais tellement te voir plus souvent. Serait-il possible
d’avoir un rendez-vous ?
L’une des mains de Juliette se secoua en faisant « hou la la », tandis que
l’autre agitait son doigt pour dire qu’elle n’était pas d’accord.
Bigre, ça se corsait.
-« D’accord, mon Roméo, tout ce que tu voudras, à 8h, derrière l’église… »
Alors, l’une des mains de la jeune fille fit un « toc-toc » sur la tempe, et
l’autre, à son tour, agita son doigt pour dire non… »
Le public regardait la scène, quelque peu éberlué. Que se passait-il ? Le son
n’était pas calé sur l’image des mains ! Incroyable, les personnages disaient
des mots et les mains signifiaient autre chose.
Certains s’évertuèrent à comprendre ce charabia. D’autres y renoncèrent, en
maugréant que cette pièce était décidément très mauvaise. Et d’autres enfin, en
pleurèrent de rire.
-« Trop drôle, hi-hi, Roméo et Juliette, version italienne… ! »
-« Hi hi hi, cette mise en scène est géniale, quelle cocasserie ! »
-« Ho ho ho, jamais je n’ai vu un spectacle aussi comique… Quelle détente ! »
Mais, dans la salle, des mains commençaient à s’agiter. Une paire mima un «
taillaud » express du plus mauvais augure Apparemment, elles entendaient partir
avant la fin. D’autres dessinaient des cœurs, à la recherche de l’âme sœur, sans
doute inspirés par Roméo et Juliette.
D’autres se parlaient tout simplement dans la salle. Tous ces spectateurs n’y
comprenaient rien. Cette mise en scène faisait-elle partie du spectacle ?
Assurément, non.
Une seule paire semblait calme, et s’exprimait tranquillement. Comme sa
gestuelle était belle et douce ! Elle coulait comme une danse fluide, une parole
claire et sereine.
Bientôt, toutes les mains l’écoutèrent, émerveillées. Puis, ce fut les corps
tout entiers qui restèrent captivés par ce langage merveilleux. Même les voix
n’osaient plus s’exprimer, tant à côté, elles se sentaient dépassées par cette
harmonie.
Les mains appartenaient à une sourde-muette, une personne très riche d’humanité,
qui avait appris à communiquer avec le beau langage des signes.
Toutes les mains, tous les cœurs, toutes les âmes, en furent si émues qu’elles
adoptèrent à l’unanimité ce nouveau mode de dialogue.
Désormais, la pièce de Roméo et Juliette ne fut plus jouée qu’en langage des
signes, avec de belles mains expressives qui portaient l’émotion…
Créé le 24 mars 2007 par Valérie Bonenfant
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