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Quel étonnement ! Les ongles ne
poussent plus ! Pire, voilà qu’ils se mettent à clignoter !
Mais quelle est donc cette étrangeté ? Une grève, tout simplement…
Ceux-ci veulent protester contre la conduite des hommes, à bien des égards,
critiquable…
La grève des ongles
dessin conte pour enfants
Comme chacun sait, les ongles ne s’arrêtent jamais de pousser. Quels que
soient les évènements, bons ou mauvais, qu’importe la météo, ou encore qu’on
soit bien ou mal luné, ces petits bouts de corne continuent à grandir.
Et pourtant, un jour, il se produisit quelque chose d’inimaginable : les ongles
se mirent en grève et refusèrent de pousser davantage.
Ils prétextèrent qu’ils en avaient assez de suivre le rythme inéluctable du
temps, que leur croissance ne servait à rien, qu’ils ne pouvaient agir contre la
folie des hommes. Alors, ils avaient décidé de cesser de grandir.
C’était leur manière à eux de dire non à la violence toujours plus forte de
leurs propriétaires, à leurs guerres imbéciles, et à leur destruction de la
planète. Leur démence allait trop loin.
Ce n’était plus possible, il fallait faire quelque chose.
Alors, les ongles s’étaient mobilisés. D’un accord international, à l’unanimité,
à minuit ce jour-là, les ongles cessèrent de croître.
Bien sûr, les hommes ne s’en aperçurent pas tout de suite. Certains le
remarquèrent dès la semaine suivante, d’autres plusieurs mois après. Enfin,
quelques rares ne s’en rendirent même pas compte !
Mais quand cela fit la une des journaux, on commença à s’y intéresser. Dans la
presse, on pouvait lire : « Les ongles ne grandissent plus, c’est la fin de
l’industrie des ciseaux à ongles ». Ou bien : « Les ongles ras, la planète a
gagné en hygiène ! ». Ou encore : « Le mystère des ongles qui ne poussent plus :
l’inspecteur Sherlock enquête… ».
Aucun n’avait compris qu’il s’agissait d’une grève. Les hommes continuaient leur
train-train guerrier, aveugles et sans conscience. Les ongles en étaient
navrés :
-« Quels balourds, ces hommes ! Que faut-il donc faire pour parvenir à les
alerter sur leurs méfaits ? » demanda l’un.
-« Nous aurons fait ce que nous aurons pu, nous ne pouvons quand même pas nous
transformer en sonnettes d’alarme… » dit un autre.
-« Oh, mais ça me donne une idée » s’exclama un troisième, « puisqu’ils ne sont
pas plus préoccupés que ça par notre absence de croissance, je propose que nous
clignotions sur leurs doigts. Là, ils ne pourront pas feindre d’ignorer le cours
des choses ! »
Aussitôt, l’idée fut diffusée aux milliers d’ongles du monde entier. A minuit,
chacun se transforma en mini gyrophare.
Ce fut du plus bel effet. Là, cette dame au restaurant qui mangeait ses
spaghettis avec sa fourchette, soudain éclairée de lumières clignotantes. Ici,
ce conducteur de travaux sur sa grue, qui confondait ses doigts avec la lanterne
de son engin. Et là, ce colonel militaire qui manqua s’étrangler en voyant son
armée se mettre à clignoter, telle une gigantesque guirlande de Noël.
L’effet cette fois, fut immédiat, et important. Tous les médias ne parlaient
plus que « des ongles aux étranges lueurs » ou « de la pollution qui avait
détraqué la nature », ou de « comment en était-on arrivé là ? ».
Enfin, la prise de conscience germait. Tout n’était donc pas fichu ! L’espoir
était enfin de mise. Ouf ! Il était temps.
Les hommes calmèrent alors le jeu. Ils fixèrent leur attention sur leurs ongles,
exclusivement. Plus de guerres, moins d’inventions polluantes, moins de
bassesses…
Ils étaient désormais centrés sur leurs bouts de doigts. Ils avaient remarqué
que leur changement d’habitude vers le bien, avait un effet positif sur le
clignotement de leurs ongles.
Moins ils étaient violents, et moins ça clignotait. C’était clair. Le monde
s’améliora ainsi considérablement. Les ongles jugèrent bientôt qu’ils pouvaient
cesser leur grève, et reprendre le rythme normal des choses.
Tout alla bien pendant cinq générations, où la mémoire des évènements fut
portée. Mais hélas, avec l’arrivée de la sixième, le souvenir des faits
s’effrita, et le fonds mauvais de l’homme réapparut.
Aïe, aïe, aïe, il y avait de fortes chances que l’histoire, malheureusement, se
répéta.
Mais peut-être que, cette fois, ce seront les cheveux qui se mettront en grève,
en refusant d’abord, eux aussi, de pousser, puis en prenant de drôles de
couleurs.
Créé le 27 décembre 2005 par Valérie Bonenfant
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