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Un conte qui interroge sur la
nature du progrès…
Est-ce d’avoir un téléphone portable, une montre et un emploi du temps très
chargé… ?
Ou bien est-ce de vivre en harmonie avec la nature, de prendre le temps de
respirer et de goûter les plaisirs de la vie ?
Si vous hésitez sur la réponse, faîtes un détour par l’île Vahiné…
L'île Vahiné
dessin conte pour enfants
L’île Vahiné était un bout de terre perdu au milieu de l’océan, loin de tout
continent. Elle était entourée d’un beau lagon bleu azur, et vivait d’un rythme
tranquille sous le soleil des tropiques.
Ses habitants vivaient sereins, les hommes comme les animaux, au gré de leurs
besoins.
Un jour, Moamata, le serpent aux yeux perçants, vit au loin flotter une
embarcation. Il zooma sur l’objectif, et décela la présence d’un homme à bord.
Oh, oh, oh, cela devenait intéressant, un étranger dans les parages, ce n’était
pas banal ! Allons prévenir tout le monde.
Moamata agita alors ses sonnettes et tapa du sol avec sa queue. Bientôt, une
grande partie des habitants de l’île vinrent le trouver :
-« Qu’y-t-il Moamata ? Que veut dire ce raffut ? » questionna l’araignée Joha.
-« C’est qu’il se trompe de jour, c’est tout, la danse des fleurs, ce n’est pas
encore… » se moque Maxo le hibou.
-« Je vais le tremper dans l’eau froide du torrent, ça va calmer ses transes »
grogna le cochon sauvage, mal réveillé et de mauvaise humeur.
Mais Moamata leur répondit :
-« Regardez au loin, il y a une barque qui flotte avec un homme dedans… »
Tous se tournèrent alors vers l’océan et aperçurent la chose.
-« Mais tu as raison, je cours prévenir les hommes ! » dit une chèvre toute
maigre.
-« Et moi, je vais voir ce qu’il en est… » dit une mouette, en s’envolant.
Bientôt, tous les habitants de l’île sans exception, se retrouvèrent sur la
plage. La barque s’approchait doucement du rivage. Puis, un bruit se fit
entendre :
-« Ron, pschiiitt, ron, pschiiitt, ron, pschiiitt… »
D’abord étonné, tout le monde éclata de rire : c’était un ronflement ! Alors,
l’un des habitants saisit son tam-tam, en guise de réveil. Il joua de plus en
plus fort, et finit par réveiller le dormeur. Celui-ci ouvrit un œil, puis deux,
puis se releva et regarda, éberlué, son entourage.
-« Mais où suis-je ? Je rêve ou quoi ? »
Il sentit alors le poids des regards sur lui et se rectifia précipitamment : sa
chemise, son col, ses boutons de manchette, son téléphone, sa montre, un coup
dans les cheveux… Et voilà, il était un peu plus présentable…
Il se tourna alors vers ses hôtes et leur adressa un large sourire. Ceux-ci
jouèrent, en guise de bienvenue, un morceau de musique de leur composition,
coloré comme les fleurs qu’ils avaient autour du cou.
Bientôt, le naufragé vint danser avec eux, et ainsi ils firent connaissance.
Quand les cérémonies d’accueil furent terminées, ils s’assirent solennellement
autour d’un feu pour discuter.
L’étranger leur raconta alors son aventure. Parti en bateau pour la ville de New
Port, son navire avait coulé, pris dans des écueils. Lui n’avait eu que le temps
de mettre quelques provisions dans une barque, d’y monter précipitamment et de
dériver ensuite sur l’océan.
Puis, il s’était endormi, bercé par les flots, et le voilà… Le chef des
habitants lui expliqua qu’il se trouvait sur l’île Vahiné, et qu’il allait
devoir patienter plusieurs mois sur cette terre, car rares étaient les bateaux
qui accostaient par là.
L’étranger alors, s’excita : mais c’est qu’il avait plein de choses à faire,
lui ! Il devait régler des affaires d’argent à New Port, négocier un nouveau
contrat à Londres, et récupérer un costume à ses mesures à Paris… Qui plus est,
il avait plein de rendez-vous à honorer, et justement, un coup d’œil à sa montre
lui indiqua que le prochain était dans deux heures…
-« C’est catastrophique ! » gémit-il, la mine décomposée.
Il entreprit alors de trouver une solution. N’y avait-il pas un téléphone sur
l’île, qu’il puisse joindre quelqu’un pour venir le récupérer ? Hélas, non.
Même pas une vieille radio dans un coin, ou un télex, pour communiquer vers la
civilisation ? Non, encore.
Alors, ne pouvait-on l’emmener en radeau sur une terre plus moderne ? Pas
possible…
Zut, zut et zut… Il était cloué dans ce trou perdu… Quelle misère ! L’homme
d’affaires se raccrocha alors à ses biens du monde moderne. Certes, son
téléphone portable était déchargé, mais il le gardait sur lui, on ne savait
jamais… Et sa montre, elle, heureusement, fonctionnait bien. C’était déjà ça,
car aucun de ces indigènes ne semblait avoir l’heure.
Ceux-ci le regardaient, étonnés. A quoi servaient donc tous ces objets, si ce
n’était à énerver copieusement leur hôte ?
Alors, pour le libérer de ces gris-gris sans doute ensorcelés, courageusement,
ils essayèrent de s’emparer de ces objets maléfiques. Il y eut beaucoup de
résistance, mais ils y parvinrent. Ce qu’ils leur réservèrent, fut terrible :
incantations de mise à mort, danses lugubres, magie du grand sorcier… avant de
les brûler dans un feu rougeoyant. L’étranger eut beau protester, s’interposer,
rien n’y fit, tout ce qu’il avait sur lui fut incinéré, jusqu’à ses vêtements.
En échange, on lui proposa un pagne de couleur, des bracelets divers et un
collier de lianes tissées, en guise d’appartenance à l’île Vahiné.
-« Quels sauvages ! » pensa le business man.
Pour l’intégrer tout à fait parmi les leurs, ils organisèrent une soirée
spéciale où ils dansèrent, mangèrent et burent des spécialités de l’île.
Le naufragé, détendu par la boisson, se laissa gagner par l’ivresse, et lâcha
enfin ses repères du monde moderne : il dansa comme jamais, son corps
entièrement libéré, chanta sans retenue, mangea et but à volonté…
Il se coucha à l’aube, épuisé. Le soleil était déjà haut dans le ciel quand il
se réveilla sur la plage, bercé par le doux clapotis des vagues, à l’ombre des
palmiers.
Au paradis. Il était au paradis. Oubliés les rendez-vous d’affaires, le temps
qui presse et les négociations en cours.
Là, sur l’île, simplement vêtu d’un pagne, enfin, il respirait, il vivait…
Et quand un jour, un bateau se présenta, qui allait vers le monde moderne, il se
maquilla le visage, se fondit dans la population pour qu’on ne le reconnut pas.
Et il le laissa partir.
Il ne voulait plus quitter l’île Vahiné.
Créé le 8 octobre 2005 par Valérie Bonenfant
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