| |
Un conte sur l’amour fusionnel entre une mère et son petit…
Une jeune maman kangourou porte son bébé nouveau-né dans la poche de son ventre.
Mais celui-ci grandit et occupe de plus en plus de place, jusqu’à ne plus y
tenir dedans.
Comment faire pour le garder, là, au chaud, malgré sa grande taille ?
Tous deux vont trouver plein d’astuces pour maintenir ce lien si précieux,
jusqu’au jour où…
Colombine et Colombo
dessin conte pour enfants
Colombine était une maman kangourou avec un bébé dans le ventre. L’heureux
évènement était prévu pour le printemps prochain et, en attendant, ce n’était
que du bonheur… Ses formes qui s’arrondissaient, ses envies gourmandes, et cette
petite vie qu’elle sentait bouger en elle. C’était merveilleux !
Pour l’arrivée du petit, tout était prêt : sa couche dans la caverne,
spécialement aménagée, ses menus gants de boxe, et un jouet punching-ball,
exprès pour les bébés kangourous.
Quand les nouveaux bourgeons se pointèrent, Colombine guetta avec impatience les
premiers signes de la naissance. Celle-ci se produisit une nuit. La maman eut
juste le temps de se réveiller, et hop, le petit arriva. Mignon à croquer, la
bouille toute ronde et des poils tellement doux.
Colombine craqua, et l’appela Colombo. Les premiers mois, celui-ci resta bien au
chaud dans la poche du ventre de sa maman. Comme il y faisait bon ! Comme il s’y
sentait bien, en sécurité ! Et comme c’était intéressant de participer avec elle
à toutes les activités de la vie…
Colombo grandit mais ne quitta pas pour autant son cocon si douillet. Et sa
maman ne l’y encouragea guère. Elle aimait tellement le porter contre elle, même
si aujourd’hui, avec sa grande taille, elle avait plus de mal à se déplacer avec
lui.
Un jour, Colombo devint plus grand que sa maman. Cette fois, rien à faire : même
recroquevillé sur lui-même essoré comme un contorsionniste, il ne parvint plus à
tenir dans la poche. Zut de zut ! Il fallait sortir. Tous deux furent bien
embêtés.
-« Je vais te faire entrer dans ma poche, elle est plus grande que la tienne… »
proposa Colombo.
-« Tu n’y penses pas : je ne suis plus assez souple pour me plier dans ce petit
espace. Et puis, j’ai mes rondeurs… Alors, même si je suis plus petite que toi,
je suis trop grosse pour entrer dans ta poche. Non, je crois que nous n’avons
pas d’autre choix que de nous séparer… » dit-elle, la voix brisée.
Tous penauds et tremblants, ceux-ci s’installèrent côte à côte. Cette séparation
forcée, ils ne la voulaient pas, ni l’un, ni l’autre. Pourquoi la nature leur
imposait-elle une telle douleur ?
-« Ecoute, nous allons bondir ensemble, d’un seul élan, nous nous déplacerons
toujours ensemble, nous ne nous quitterons jamais… » expliqua, d’une voix émue,
Colombine.
-« D’accord Mam ! » répondit Colombo, enthousiaste.
Ils sautèrent ainsi, à l’unisson, pendant de nombreux mois. Leur accord était
tellement parfait, que beaucoup qui les croisaient, crurent voir double !
Jamais, l’opticien de la forêt n’eut autant de succès que pendant cette époque
où Colombine et Colombo ne formaient qu’un.
Mais un jour, cette union parfaite prit fin. Partis au bois pour cueillir des
champignons, ils croisèrent la route de Pierrette, une jeune femelle kangourou,
venue chercher de l’eau au torrent. Celle-ci les salua poliment.
-« Bonjour ! » murmura-t-elle, timidement, les joues rosissant.
-« Bonjour ! » répliqua la maman, d’une voix ferme.
-« Beu beu beu…, bo bo bo bon…, jou, jou, jour ! » bégaya Colombo.
La maman le saisit par la patte pour le faire bondir plus loin. Mais pour la
première fois, les deux sauts ne furent pas synchrones. La maman fila d’abord.
Colombo partit en retard, à sa suite, le regard tourné vers Pierrette… Il ne
s’aperçut pas que sa trajectoire avait légèrement dévié… Patatras ! Au lieu de
tomber juste à côté de sa maman, comme il le faisait d’habitude, il s’écrasa
lourdement sur sa génitrice, qui ne s’attendait pas à un tel cadeau tombé du
ciel.
-« Gros ballot ! Que fais-tu là, sur moi ? Tu m’as écrasé les orteils ! » râla
Colombine.
-« Oh, excuse-moi, Mam ! » répondit confus, Colombo, le regard toujours tourné
vers Pierrette, qui les regardait en riant…
Ciel, qu’elle était belle… Quelle lumière !
-« En plus, on a l’air fin dans cette histoire… Tu pourrais m’aider à me
relever, au moins… » ronchonna Colombine.
-« Bien sûr… » répondit Colombo, d’un ton absent, le sourire béat, en allant
vers Pierrette.
-« Puis-je vous aider, mademoiselle ? » demanda le jeune kangourou.
-« Bien volontiers, je dois ramener de l’eau à mon village. Si vous venez avec
moi, ça m’évitera un voyage… » répondit celle-ci, en papillonnant des cils.
Pour la première fois de sa vie, Colombo bondit librement, sans sa maman.
Colombine ? C’était simple : il n’y pensait déjà plus ! D’ailleurs, celle-ci vit
partir son rejeton, sans la moindre attention pour elle.
-« Quelle ingratitude ! » se dit-elle, « après tout ce que j’ai fait pour lui,
ce n’est pas juste… Je vais aller le rechercher… ! »
-« Hep pep pep ! » lui siffla un oiseau aux oreilles, « tu vas le laisser
tranquille ! Colombo est grand, il est temps qu’il mène sa vie de kangourou,
loin de toi… ! »
-« Tu dis des bêtises ! » gronda-t-elle, en tentant de boxer le petit oiseau.
Mais celui-ci était vif et réussit à éviter les coups !
-« Viens avec moi, je vais t’accompagner là où on a besoin de toi ! » proposa le
volatile.
-« Non, non et non ! » boxa encore la maman, qui ne se résignait pas à vivre
seule.
L’oiseau, tout en esquivant les crochets et uppercuts dont il faisait l’objet,
la conduisit vers le cœur de la forêt, là où de jeunes enfants animaux
attendaient d’être soignés.
-« Ici, des enfants ont besoin de ton amour. Le vrai, pas celui qui entrave et
empêche de respirer. Celui qui les requinque et les remet dans les rails de la
vie… Alors au boulot ! »
Colombine s’occupa d’abord d’un bébé kangourou dont une patte était plus petite
que l’autre. Elle lui confectionna avec amour, une paire de gants de boxe juste
à sa taille : un patte petite, une autre grosse. Quelle reconnaissance, elle
reçut en retour !
Et quand celui-ci grandit et devint un beau et grand kangourou, ce fut sans
tristesse ni regrets, qu’elle le laissa partir, là où la vie l’attendait.
Sereine, elle retourna alors s’occuper des autres enfants en mal d’amour.
Créé le 24 avril 2007 par Valérie Bonenfant
| |
|