|
|
provençaleOrage en Camargue Dans ses Memori e raconte ("Mémoires et récits"), Frédéric Mistral relate une excursion qu'il fit de Beaucaire aux Saintes-Maries-de-la-Mer, à l'époque où il écrivait son poème Miréio ("Mireille" - 1859), dont l'héroïne est victime d'une insolation en Camargue. Mai lou tèms, que despièi l'aubo èro à la macarié, de mai en mai s'encabanavo. Lou Marin, en boufant, fasié mounta vers Arle de nivoulado grèvo qu'a cha pau ennegravon tout l'estendard dou cèu. En palun, li granouio e li crapaud cantavon. La longo tirassiero de nosto caravanos'emplanavo, perdudo, dins li champias d'engano, dins li sansouiro blanquinouso, sus un camin terren, bourda de tamarisso à flourisoun rousenco. La terro sentié lou frescun. E de vou d'alabran, de vou de bouis et de sarcello, en bramant nous pasavon subre. Un gardian à chivau que, lou ficheiroun en man, viravo si
brau negre esparouia dins le salanc, nous crié: Vous anas bagna ! A la longo pamens, lou lavàssi calè, lou tems s'esclargiguè, lou camin s'eidraquè ; se remontè sus li carreto ; e, peraqui vers li quatre ouro, tout-d'un-cop vrguerian s'enaura, dins l'azur de la mare e dou cèu, emè li tres fenèstro de soun clouchié rouman, si merlet rous e sis ancoulo, la glèiso di Santi-Mario Mais le ciel qui, depuis l'aube, était tacheté de nuées, se couvrait de plus en plus. Le vent de mer soufflait, faisant monter vers Arles de grands nuages lourds qui obscurcissaient peu à peu toute l'étendue céleste. Les grenouilles, les crapauds coassaient dans les marais, et la longue traînée de notre caravanes'espaçait, se perdait dans les terrains à salicornes, dans les landes salées à plaques blanchissantes, sur un chemin mouvant, bordé de tamaris à floraison rosée. La terre sentait le relent. Des volées de halbrans, des volées de sarcelles et de canards sauvages criaient en passanr sur nos têtes. Un gardian à cheval qui, le trident en mains, ramenait ses
taureaux noirs dispersés dans les friches, nous cria : "Vous serez mouillés !" A la longue pourtant, la grosse pluie cessa, le temps se mit au clair, le chemin se ressuya ; on remonta sur les charrettes et, par là, vers les quatre heures, nous vîmes tout à coup s'élever, dans l'azur de la mer et du ciel, avec les trois baies de son clocher roman, ses merlons roux, ses contreforts, l'église des Saintes-Maries. Frédéric MISTRAL |
|