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Un
peu d'histoire sur la vigne
Introduction
L'histoire de la vigne et du vin
accompagne l'histoire de l'humanité depuis des millénaires. Comme l'homme, le
cep est divers, changeant, souvent imprévisible. Le vin est fruit de la terre
comme du travail des hommes, lié à ceux-ci par une complicité profonde. Un néophyte
voit dans la vigne des plants bien ordonnés, alignés tels des militaires, tous
identiques.
Pourtant, chaque
cep, résultat biologique de lentes mutations génétiques, est différent et
vit son aventure individuelle tout en étant encadré afin d'éviter que la
nature ne reprenne le dessus, nous privant alors de son vin : les tailles
successives, le palissage (ou tutorat des plans de vigne), le rognage, sont
des travaux que le vigneron effectue tout au long de la période de croissance
de la vigne afin de la contenir et de la canaliser. |
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Premières découvertes archéologiques
C'est à l'époque secondaire que
commence à se différencier le genre cissus, ancêtre de la vigne actuelle. Si
les empreintes de feuilles retrouvées à SEZANNE (en Champagne) ne constituent
pas une preuve certaine qu'il s'agit de vigne, par contre les pépins datés de
la fin du tertiaire permettent déjà de différencier deux groupes de Vitis :
Vitis ludwigi, qui donnera les muscadinia américains, et Vitis teutonica, ancêtre
des euvitis ou vignes vraies. A la faveur des bouleversements climatiques et
de la séparation des continents, vitis teutonica a évolué pour former divers
rameaux qui ont abouti aux vignes actuelles, qu'elles soient américaines ou
eurasiatiques. Il est tout à fait remarquable de constater que c'est l'aire
écologique indo-européenne qui s'est montrée la plus propice, puisqu'elle a
permis la naissance de vitis vinifera. Les fruits de ces ceps servaient déjà
de nourriture à nos ancêtres de l'âge de la pierre, comme en témoignent les
nombreux pépins retrouvés près des abris et campements de cette époque. Il n'est
pourtant pas sûr que nos aïeux connaissaient le vin. Cependant, dans
les matériels vinaires (cruche, bols, verres) on a découvert des traces d'acide
tartrique qui laisse supposer la présence de vin (l'acide tartrique est un élément
important de l'extrait sec du vin).
La vigne dans la mythologie et la religion
Il faut attendre l'essor des civilisations
moyen-orientales pour rencontrer les premières traces archéologiques de production
de vin. C'est d'ailleurs vers cette époque que la légende situe la mésaventure
de NOË : " NOË s'appliquant à l'agriculture, commença à labourer et à cultiver
la terre et il planta une vigne. Ayant bu du vin, il s'enivra et paru nu sous
sa tente." GENÈSE. Bien qu'il s'agisse d'une légende, les restes de cuviers
et de récipients vinaires attestent bien que l'homme savait planter, cultiver
et récolter la vigne, et que l'art de la vinification ne lui était pas étranger.
Il semble que cet art soit venu au Moyen-Orient avec les migrations des premiers
aryens originaires de la haute vallée de l'INDUS. La culture de la vigne s'est
ensuite répandue dans tout l'ancien monde.
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On la retrouve
le long du Tibre et l'Euphrate puis en Egypte où certaines amphores mentionnent
le millésime et la provenance du breuvage. Il s'agit-là des plus anciennes
appellations contrôlées connues (époque de RAMSÈS II, vers 1 300 avant J.-C.). |
Paysans égyptiens qui
vendangent (à gauche) puis pressent (à droite) le raisin. |
Vers l'an 1 000 avant Jésus-Christ,
la GENÈSE fait également état de la culture de la vigne sur la terre d'Israël
et les vignobles de SALOMON jouissent d'une grande réputation. Lorsque les premiers
DORIENS, venant de l'Est (Haut INDUS), envahissent la Grèce par la Thrace et
la Macédoine, ils apportèrent avec eux des pieds de vigne qu'ils mirent aussitôt
en culture. La ville de Thèbes, prospère à cette époque, constitue un foyer
important d'où partent les colons à la conquête de nouveaux territoires : EUBÈE,
PÉLOPONÈSE, ILES IONIENNES et CRETE. Le cheminement de ce peuple s'accompagne
du cheminement de ses dieux, d'autant plus facilement assimilés par les tribus
locales que leurs fêtes ponctuent les rythmes agricoles : semailles, moissons,
vendanges, achèvement de l'élaboration du vin ou reproduction du troupeau.
Dionysos,
dieu grec de la vigne. |
Très rapidement,
Dionysos, dieu grec de la viticulture et du vin, fait l'objet d'un culte
important. Il est célébré à deux périodes de l'année, pendant les vendanges,
afin de le remercier d'avoir conduit la récolte à son terme, et vers la
fin février, après l'achèvement des fermentations et le dépouillement hivernal
; à cette occasion le vin nouveau est débouché : les amphores sont ouvertes
en grande cérémonie et une partie du breuvage est offerte au dieu. Ensuite
on procède à un concours de buveurs, consistant à avaler environ plusieurs
litres de vin nouveau le plus rapidement possible. Cette beuverie
Dionysiaque
s'accompagne de processions pour bénir le vignoble. |
L'effet du vin, bu en grandes quantités,
transformera peu à peu la signification du rite. De simple Dieu agricole Dionysos
deviendra dieu de la libération des âmes et des corps accablés par les misères
de ce bas monde. Il atteindra le statut de " sauveur ", mythe que l'on retrouve
dans la tradition phénicienne et israélite. La couleur rouge du vin est déjà
assimilée au sang, source de vie, et ses effets hors de l'ordinaire (troubles
de l'esprit, dérèglement du système locomoteur et de l'équilibre) lui confèrent
une part de mystère qui durera jusqu'aux temps modernes.
Le vin dans l'Antiquité
Amphores antiques. |
On pense qu'en
plus de ces vertus euphorisantes, le vin des anciens grecs devait être agréable
à boire, car ces derniers l'exportaient en quantités notables vers l'Egypte
et le Moyen-Orient. Les amphores étaient scellées à l'huile d'olive et une
partie de la production traitée à la résine de pin ; on trouve là l'origine
du RETSINA, encore en vogue à l'heure actuelle. Les vins devaient avoir
un assez fort degré alcoolique, condition nécessaire pour assurer leur stabilité
lors des transports par bateau. |
Commerçants avisés, les grecs fondèrent
de nombreuses colonies de peuplement sur tout le pourtour méditerranéen et à
chaque fois, ils installèrent des vignes. N'ayant pas vocation véritable de
conquérant, les vignobles ne s'étendirent pas et disparurent lorsque la colonie
fut détruite ou dispersée. Ainsi les anciens vignobles de Marseille, du Cap
d'Agde ou de Nice, fondés vers 600 avant J.-C., s'éteignirent presque, 500 ans
après avec le départ des Grecs. Les antiques coutumes ont néanmoins la vie dure
: les vignerons des Grés de Montpellier font les mêmes gestes de la culture
de la vigne, et d'élaboration du vin, que ceux que faisaient les Egyptiens,
2000 ans av. J.C.. Fort heureusement d'ailleurs puisque le vignoble du Languedoc
(très mal exploité jusqu'à il y a peu, car cette région a maintenant un grand
potentiel viticole), a une importance non négligeable dans l'existence des autres
vignobles de France : du temps où la chaptalisation n'existait pas et lorsque
les conditions météorologiques n'étaient pas favorables à une bonne maturité
dans les régions plus septentrionales, en particulier la Bourgogne et le Bordelais,
une intense activité de transport de vin se développait sur le Rhône et le canal
du Midi à la fin des vendanges en Languedoc, pour amener dans ces régions plus
au nord les vins alcoolisés qui étaient nécessaires pour commercialiser leurs
vins trop légers.
Les Dionysies de février-mars, à
Athènes, ont eu un retentissement culturel immense. Traditionnellement, les
prêtres sacrifiaient un bouc (TRAGOS), ennemi de la vigne par ses broutages
intempestifs. Plusieurs personnes dialoguaient pendant le sacrifice, racontant
les malheurs du bouc : il en est né la tragédie, de Tragos (bouc) et Odé (chant).
De même, une fois le sacrifice consommé, un cortège de joyeux drilles (les COMOS)
parcourait les rues de la cité en échangeant des plaisanteries. Ils étaient
déguisés en Satyres, compagnons traditionnels de Dionysos. De là découle la
Comédie satirique. Ainsi la fête du dieu du vin donna naissance aux plus nobles
expressions culturelles, la tragédie et la comédie.
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Les
Romains transformèrent le culte de Dionysos de façon profonde et néfaste.
Les légions d'Orient ramenèrent, en effet, un dieu de jouissance de leurs
conquêtes d'Asie : BACCHUS, et l'assimilèrent au Dionysos des Grecs. Mais
ROME ne connût jamais les nobles dionysies où s'affrontaient poètes et dramaturges
: elle s'abandonna aux orgies scandaleuses venues d'Asie. La signification
profonde du culte du Dieu de la vigne s'était perdue, remplacée par une
soif de jouissance immédiate et personnelle. Les Bacchanales conduisirent
à des excès criminels et le Sénat, en 186 avant Jésus-Christ, décida de
sévir : 3000 personnes participant à des orgies furent passées par les armes.
Dès lors le sort de Bacchus était scellé et son culte périclita puis disparut.
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Bacchus,
dieu romain de la vigne, associé au Dionysos grec. |
Malgré ces excès, le pragmatisme
romain fit beaucoup pour améliorer la culture de la vigne et l'élaboration du
vin. Ainsi la chaptalisation ne date pas d'hier, même si elle ne revêtait pas
les mêmes formes : le passerillage sur claies était une opération courante,
de même que l'enrichissement du moût avec du miel ou la concentration par chauffage.
Columelle, un savant écrivain romain a écrit de nombreux textes relatant les
us et coutumes viti-vinicoles. Il fut ainsi possible de se rendre compte du
savoir-faire viticole des romains en utilisant leurs procédés pour élaborer
des vins de qualité. Ces vins en partie enrichis par des moûts concentrés favorisant
le volume d'alcool, utilisaient également de l'eau de mer concentrée. Certains
vins devant malgré tout rester médiocres, on les aromatisait avec des plantes
diverses, donnant les actuels vermouths.
De même, la conservation
et le transport posaient problème. Après l'amphore de terre cuite, on voit
apparaître le tonneau (NAVÉ) originaire de Gaule puis la bouteille de verre
originaire de Venise. Le développement du commerce suscite la construction
de bateaux spéciaux pour transporter le précieux liquide : les embarcations
chargeant les " navés " deviennent des navires. |
Gravure illustrant
le
transport de tonneaux. |
Plus tard, certaines régions viticoles
imposèrent diverses normes aux barriques et l'on prit l'habitude, encore en
usage aujourd'hui, de mesurer la capacité de transport des navires en " tonneaux
" en anglais le baril. Là encore on voit que le vin a profondément imprégné
les habitudes commerciales et se charge d'un lourd passé culturel.
Grands conquérants, les Romains
ont répandu la vigne dans tout l'empire et fait naître les vignobles gaulois,
espagnols, yougoslaves, roumains, portugais, autrichiens, allemands, suisses
et même anglo-saxons. Leurs propres cépages ne mûrissant pas sous les climats
nordiques ou atlantiques, ils mirent en culture les vignes indigènes. Tous ces
vignobles finirent par faire évidemment ombrage à ceux d'Italie. L'héritage
viticole prestigieux des romains faillit périr dans la décomposition sociale
qui suivit. Toutefois les envahisseurs, encore une fois venus de l'Est, ne restèrent
pas insensibles aux vertus du vin, tandis que les ordres monastiques naissants
s'évertuaient à entretenir le vignoble. Mais à la faveur du Christianisme en
expansion, un changement radical s'opère dans la conception du vin. L'ivresse,
résultant d'un abus se termine souvent assez mal et se charge d'une dimension
morale inconnue dans les autres religions.
Tableau de Léonard de
Vinci
"la Cène". |
Cette moralisation
de la boisson alcoolique va se développer : la " Cène " fait appel au vin
(" buvez, ceci est mon sang "), mais dans des limites du raisonnable. L'ivresse
des anciens cultes dionysiaques et bachiques disparaît au profit de la
foi : le vin devient aliment de l'âme plus que du corps, chaque prise renouvelant
l'alliance avec dieu. Cette théorisation du produit le dépouille de sa dimension
hédonique, ce qui n'empêchera pas les religieux de s'efforcer de faire le
meilleur vin possible pour leur propre plaisir. |
Le vin du Moyen-Age à nos jours
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La nécessité de
vin pour célébrer les offices va entraîner une diffusion de la culture de
la vigne dans toute la chrétienté, le support de départ étant le vignoble
hérité des romains. Saint-Colomban, puis Saint-Martin (315-397 après J.-C.)
vont créer de nouveaux ordres. Chaque établissement étant pourvu de sa vigne
et son cellier. On attribue même à Saint-Martin la redécouverte de la taille,
après qu'il eut observé que les vignes broutées accidentellement par des
ânes produisaient plus. |
Icône de l'abbaye de
Cîteaux. |
Le vigneron, paysan un peu particulier,
bénéficia toujours d'égards que n'avaient pas les simples laboureurs. Son alchimie
mystérieuse le rapprochait un peu du religieux. Son produit, chargé de significations
mystiques, était à la fois bon et trompeur, capable de procurer des plaisirs
délicats comme des dérèglements brutaux : bref, il incarnait parfaitement l'affrontement
des forces du bien contre les forces du mal qui peupla tout le moyen âge. Le
vin fait donc partie des symboles des religions monothéistes originaires du
bassin méditerranéen, y compris l'Islam comme le montre le recueil de textes
appelé "l'Eloge du Vin" du poète musulman du 7° siècle, Omar ibn al Farid.
Le développement du commerce international
(anglais, puis hollandais, et enfin espagnol) fit prendre une nouvelle orientation
à la viticulture : le vin devient un produit commercial qu'il ne cessera
plus d'être. Pour vendre, le producteur doit se conformer aux goûts de l'acheteur,
assurer un certain volume de production de façon régulière, garantir la qualité
moyenne, et préparer le produit pour le transport et la conservation. Les moyens
modernes de transport, de communication, de production et de vente ne feront,
au cours des siècles qui vont suivre, qu'accentuer cette orientation. le vin
n'a pas fini d'accompagner l'homme et il restera, encore longtemps, le ciment
d'une civilisation.
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